Les MFR en questions

Philippe Ristord est chargé du développement des Maisons Familiales et Rurales… nous lui avons posé quelques questions sur la pédagogie à l’œuvre dans les MFR.. (…)

Pourquoi cette pédagogie est-elle si particulière et quelles en sont les caractéristiques, les spécificités incontournables ?

Ce qui nous singularise, c’est d’abord que l’autre, pour nous, ne se résume pas à l’entreprise.
Nous sommes un ovni dans le monde de l’enseignement, non seulement en France mais en Europe aussi.
Nous avons été les premiers à créer l’alternance il y a 85 ans et maintenant tout le monde fait de l’alternance,de l’initial au master et jusqu’au doctorat. Parce que dans alternance il y a alter, l’autre, le monde professionnel.

Ce qui nous singularise c’est que l’alter pour nous ne se résume pas à l’entreprise : nous faisons un vrai travail avec les élèves au niveau socio-professionnel, c’est-à-dire en prenant en compte leur dimension sociale car le milieu social (dans lequel j’inclue aussi le contexte familial) est aussi source d’apprentissage.  Il constitue pour nous un véritable appui. Pour nous il n´y a pas deux milieux,mais un grand milieu hétérogène.

L’autre originalité est que nous n’avons pas des formateurs, des enseignants chargés d’apporter des savoirs, mais des moniteurs dans une logique d’accompagnement, d’apprendre à apprendre. Nous donnons aux apprenants les outils pour qu’ils s’en saisissent pour apprendre. C’est une véritable logique apprenante, non pas juxtapositive mais à visée intégrative.

La où nous sommes des ovnis encore, c’est qu’en France, il existe soit des établissements privés, soit des établissements publics alors que nous venons du tiers secteur, de l’économie sociale, du monde associatif. Ça veut dire plusieurs choses, c’est d’abord qu’on a un contrat avec l’État, on a une mission de service public. La loi Rocard de 1984 précisait qu’on accomplissait une mission de service public, avec une pédagogie à temps plein mais avec des rythmes appropriés. L’État reconnaissait ainsi qu’il y avait un temps plein de formation à l’école comme dans la vie au milieu de la société. C’est pourquoi le concept d’apprenance nous intéresse.

Historiquement, nous sommes à la base des associations de parents. En 1937, des agriculteurs ont désiré créer leurs propres écoles, comme une école des parents à la campagne mais où ils auraient embauché un ingénieur agronome pour délivrer les savoirs. C’est pourquoi elles s’appellent des maisons familiales et rurales. Chaque mot a du sens. Cette belle idée existe toujours dans la réalité. Les parents sont majoritaires au conseil d’administration, gèrent l’association et signent un contrat avec l’État. Cela n’existe nulle part ailleurs en Europe. Ce sont d’ailleurs les parents qui embauchent les enseignants, pas l’État.

Une aventure qui dure…

Quels sont les enjeux aujourd’hui ?

Ce qui est formidable maintenant c’est que cette vieille dame reste éminemment pertinente. Parce qu’aujourd’hui on sait que personne ne fera le même métier toute sa vie et donc on n’est plus sur l’apprentissage de savoirs purs ou de savoirs techniques mais sur la capacité à transférer les soft skills, ces compétences qu’on apprend tout au long de la vie.

Parmi les pays européens dont on va parler, je suis émerveillé par la jeunesse de notre système pédagogique. C´est  le choc des cultures, la fonction polémique qui font avancer les choses, qui sont en elles-mêmes sources d’apprentissage car ça amène du dialogue, des occasions de gérer les contradictions, ce qui manque tant dans notre société.


Pour faire connaissance avec Jocelyne PorcherEn attendant PIAF