Extraits de l’introduction
« Je rêve de pouvoir un jour fabriquer la théorie sociologique de façon nouvelle, plus concrète en partant des faits. Depuis longtemps déjà, Barney Glaser et Anselm Strauss ont lancé cette idée d’une Grounded Theory (…)
Pour l’instant, que l’on me pardonne d’employer publiquement le mot hélice. Je dis hélice parce que la structuration de l’existence n’a rien de statique et de linéaire. Au contraire, elle se forme dans un mouvement tournoyant, croisant manège des événements et des idées. Je dis double hélice parce que ce mouvement tournoyant se développe selon deux modalités très différentes, chacune héritière d’un pan d’histoire spécifique, mais, au quotidien, inextricablement mélangées, de manière parallèle ou alternative.
La première modalité est ce qu’on pourrait appeler une socialisation pure, sans véritable intention, sans véritable intervention de la pensée réflexive, héritage des sociétés holistes, où le destin social conférait le sens de la vie. C’est la logique des choses, me dit-on alors. Ça se passe tout seul, ou encore : C’est comme ça !, y compris quand la vie bascule soudainement dans un nouvelle direction. La seconde modalité fait intervenir, à l’inverse, la subjectivité, la mise en images ou en pensées des orientations possible, et, au final, une décision (plus ou moins consciente) sur les éventuelles rectifications du cours de l’existence.
En ces moments particuliers, l’individu ne fait rien d’autre que tenter de répondre à la question : Qui suis-je, et qui serai-je dans l’avenir, quel est le sens de ma vie ? En d’autres termes, il s’interroge sur son identité. Je débouchais donc sur cette conclusion assez intrigante que l’identité parfois agit comme opérateur de l’action mais pas toujours. Il est possible ou non de faire usage de l’identité pour s’orienter et se construire comme individu.
L’identité donc, comme instrument concret de l’activité ordinaire. À l’évidence, cela m’éloignait des représentations habituelles de ce qu’est une identité. »
Extraits de L’invention de soi, une théorie de l’identité, de Jean-Claude Kaufmann,
ed A. Colin, coll. Individu et société, 2014
Jean-Claude Kaufmann dédicacera ses ouvrages au Foyer à l’issue de sa conférence le mercredi 20 septembre de 11 heures à 11 h 30