Vous avez dit « formation » ?


Bernard Barbier

Manageur-coach, Ancien directeur général de Défi Métiers, le carif-oref francilien.



Certes ce n’est pas d’aujourd’hui, mais le glissement sémantique qui fait se confondre « formation » et « formation professionnelle », depuis 2004, laisse à penser qu’il n’est plus de formation (voire d’éducation ou d’accompagnement) sans intention professionnalisante avec opérationnalité immédiate. Toutes les universités, les écoles, les centres de formation, les centres de recherche, et autres prestataires et conseils, l’ont « compris », plus ou moins volontairement, et ont mis au point nombre de certifications, d’actions et de parcours de formation, ou d’offres de service dits « professionnels », spécialisés et « ciblés ».

La formation est devenue l’instrument politique privilégié des politiques publiques de l’emploi, et les besoins de l’entreprise et de l’économie les décideurs suprêmes de l’intérêt, voire de la qualité, d’une offre de formation. Comme un aveu de pauvreté de ces politiques publiques ? On pourrait le croire.

La formation est l’organisation d’activités dont l’intention est la construction de capacités et d’attitudes du sujet engagé. Leur transfert dans des situations professionnelles est une possibilité, non une obligation, ce qui en fait toute leur richesse. La création d’objectif de formation formulé avec un brin de prétention, voire d’inconscience, par « le savoir-être » peut se comprendre aussi comme une tentative à peine dissimulée de détourner quelque peu le tir : reconnaitre que la formation a un rôle éducatif au-delà de l’intention professionnalisante… L’éducation plébiscitée par les responsables d’entreprises ? Quel progrès… oups. 

La loi de 2018 a acté l’évolution d’appellation du « plan de formation » en « plan de développement des compétences » dans une indifférence quasi générale. Une preuve que le travail d’ancrage dans les têtes que la finalité de la formation ne peut être que le développement de compétences ? Que la formation est professionnelle ou n’est pas ? Que le développement de compétences peut se faire entre autres par la formation mais d’abord par la confrontation aux situations de travail, par la prise d’expérience ?

Les partenaires sociaux avaient proposé « Plan d’adaptation et de développement des compétences ». En effet ils souhaitaient marquer la responsabilité de l’entreprise vis-à-vis du salarié, mais la loi a choisi de confirmer le transfert de responsabilité principale sur l’individu de son développement de compétences, autrement dit de son employabilité. Mais développer des compétences, c’est développer quoi précisément ? Comment traduire en objectif pédagogique ce qui, selon la grande majorité des auteurs, ne se révèle qu’en situation réelle de travail, et, selon le Medef, ne peut être évalué et reconnu que par « l’entreprise » ? La notion de compétence, un simple « instrument psychologique » langagier ?

Que de questions, que de flous, que de méconnaissance… quel avenir pour la formation ?


La parole aux professionnels Faire pour se faire …